Document Type : Original Article
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French Department - Faculty of Arts - Sohag University
Abstract
Keywords
Main Subjects
Dans cet article, nous nous intéressons à l’annotation syntaxique de quelques constructions qui posent des défis d’analyse en arabe standard moderne et en français, en mettant en lumière certains cas idiosyncrasiques de l’arabe. Nous examinerons ces constructions problématiques en nous appuyant sur des données annotées selon le schéma du projet Universal Dependencies (UD) (Nivre et al., 2016, 2020 ; de Marneffe et al., 2021) et sa variante Surface-Syntactic Universal Dependencies (SUD) (Gerdes et al. 2018, 2019a, b ; 2021 ; 2024). Le projet UD est un travail collaboratif qui rassemble une centaine d’équipes de recherche à travers le monde ayant pour objectif de développer un schéma d’annotation applicable à toutes les langues dans le but de promouvoir l’étude typologique de différentes langues, faciliter l’apprentissage des langues et favoriser le développement d’outils de traitement automatique des langues (TAL) multilingues. Actuellement (version 2.16), le projet UD propose plus de 300 treebanks[i] (corpus arborés) dans plus de 170 langues, annotés avec le même schéma d’annotation. Les données UD et SUD sont largement disponibles et accessibles librement[ii] à la communauté scientifique via les adresses suivantes : UD (https://universaldependencies.org), SUD (https://surfacesyntacticud.github.io).
L’application des mêmes critères syntaxiques à des langues de types très différents, comme l’arabe et le français, permet souvent de dégager les constructions idiosyncrasiques, c’est-à-dire spécifiques à une langue. L’étude de ces constructions est utile pour la vérification de considérations théoriques en linguistique et en traductologie et pour l’enrichissement de l’enseignement multilingue, car elle met en lumière les points où les deux langues divergent dans leur fonctionnement.
Trois constructions seront examinées dans le cadre de cette étude : les constructions relatives, les constructions à verbe support et les constructions copulatives et avec un auxiliaire. L’objectif sera double : d’une part, il s’agit d’explorer comment ces deux schémas, UD et SUD, représentent ces constructions en arabe et en français. D’autre part, il s’agit d’évaluer leur pertinence et leur capacité à représenter les spécificités propres à chaque langue.
Cette étude aborde donc les questions suivantes :
La structure de l’article est la suivante : la section 2 établit une comparaison détaillée entre les deux schémas d’annotation, UD et SUD. Notre objectif y est de souligner les particularités de SUD et ses distinctions par rapport à UD. Dans la section 3, nous présentons les treebanks arabes et français qui sont accessibles via les projets UD et SUD, offrant ainsi un aperçu des données utilisées. La section 4 constitue le cœur de notre analyse empirique. Nous y examinerons les annotations syntaxiques des trois constructions ciblées par cette recherche, en tirant des conclusions basées sur l’observation des données.
Deux perspectives théoriques dominent la représentation de la structure syntaxique d’une phrase. D’un côté, la structure syntagmatique (Chomsky, 1957, 1965), largement adoptée depuis le milieu du XXe siècle, privilégie un découpage de la phrase en constituants (ou syntagmes) de plus en plus grands. De l’autre, la structure de dépendance (Tesnière, 1959 ; Mel’čuk, 1988 ; Kahane, 2001 ; Kahane et Gerdes, 2022), qui a connu un regain d’intérêt à partir des années 1980, met en évidence une représentation hiérarchique entre les mots.
Les deux schémas UD et SUD reposent sur le modèle de la syntaxe de dépendance. Bien qu’ils partagent l’objectif commun d’une annotation standardisée des langues, ils s’appuient sur des paradigmes théoriques distincts. Cette section se concentrera sur les convergences et les divergences des deux schémas.
Depuis son lancement officiel en 2014, le projet UD a pris de l’ampleur pour devenir un projet d’annotation considérable. Comme nous l’avons déjà mentionné plus haut, le projet UD constitue indéniablement la plus vaste collaboration internationale pour annoter des corpus arborés en plusieurs langues. Il offre un système d’étiquetage universel et homogène pour les relations syntaxiques, les parties du discours et les traits morphologiques, tout en étant suffisamment flexible pour s’adapter aux spécificités de chaque langue.
Le schéma UD tire son inspiration de plusieurs sources : Stanford Dependencies (de Marneffe et al., 2014) pour les relations de dépendance, Google’s universal part-of-speech tags (Petrov et al., 2012) pour l’annotation morphologique et Interset interlingua (Zeman, 2008) pour l’harmonisation des traits morphosyntaxiques. Ce schéma est basé sur la syntaxe profonde, suivant la distinction entre la syntaxe de surface et la syntaxe profonde, telle que proposée par la Théorie Sens-Texte (Mel’čuk, 1988), et privilégie les mots lexicaux par rapport aux mots fonctionnels en les choisissant comme têtes[iii] syntaxiques. Il marque ainsi une rupture significative avec la tradition des grammaires de dépendances, une décision qui a fait l’objet de controverses (cf. Osborne et Gerdes, 2019).
Quant au schéma SUD, il se présente comme une alternative à UD. Il fournit un ensemble d’annotations syntaxiques axé sur la syntaxe de surface plutôt que sur la syntaxe profonde. Comme l’expliquent ses concepteurs (Gerdes et al., 2019a), les relations syntaxiques y sont définies sur des bases distributionnelles et fonctionnelles. Contrairement à UD, SUD privilégie l’identification des têtes fonctionnelles. Ainsi, il ne désigne pas systématiquement les mots lexicaux comme têtes syntaxiques. Il attribue plutôt ce rôle aux éléments fonctionnels tels que les prépositions, les conjonctions de subordination, les auxiliaires et les copules, un point que nous aborderons plus en détail par la suite.
La figure 1 illustre la différence d’annotation entre UD (en haut) et SUD (en bas) pour la même phrase arabe : lā yumkin li=l-ǧamīʿ ʾan yataraffaʿū ʿan al-ʾamr (‘Tout le monde ne peut pas s’élever au-dessus de ça’). Elle révèle que SUD considère généralement les mots fonctionnels, comme la conjonction de subordination ʾan (‘que’), les prépositions lī (‘pour’) et ʿan (‘de/à’) comme les têtes syntaxiques des éléments qu’ils gouvernent, au lieu des mots lexicaux l-ǧamīʿ (‘tout le monde’), yataraffaʿū (‘ils s’élèvent’) et al-ʾamr (‘la chose’).
Figure 1 : l’annotation morphosyntaxique UD (en haut) et SUD (en bas) pour la même phrase de l’arabe (‘Tout le monde ne peut pas s’élever au-dessus de ça’), tiré du treebank Arabic-PUD@2.15[iv]
Comme mentionné précédemment, les relations syntaxiques utilisées dans UD sont une version révisée de celles initialement proposées pour la représentation des Stanford Dependencies (de Marneffe et al., 2014). La version 2 de UD compte 37 relations syntaxiques universelles. Dans le tableau ci-dessous issu du guide d’annotation UD, les rangées regroupent les relations selon leur rôle fonctionnel par rapport à leur tête et les colonnes classent les dépendants en fonction de leur catégorie structurelle. La partie inférieure de ce tableau inclut des relations qui ne sont pas considérées comme des dépendances au sens strict du terme.
|
Nominals |
Clauses |
Modifier words |
Function Words |
Core arguments |
nsubj obj iobj |
csubj ccomp xcomp |
|
|
Non-core dependents |
obl vocative expl dislocated |
advcl |
advmod discourse |
aux cop mark |
Nominal dependents |
nmod appos nummod |
acl |
amod |
det clf case |
Coordination |
Headless |
Loose |
Special |
Other |
conj cc |
fixed flat |
list parataxis |
compound orphan goeswith reparandum |
punct root dep |
Tableau 1 : les relations syntaxiques employées dans UD v.2, issu du guide d’annotation UD
Les langues peuvent, d’ailleurs, créer des relations plus spécifiques considérées comme des sous-types des relations universelles existantes. Ces sous-types sont identifiés par le type de base, suivi d’un deux-points et d’une description spécifique, par exemple, nsubj:pass pour un sujet passif.
Le schéma SUD adopte une approche plus concise de l’annotation syntaxique. Par exemple, pour traiter les compléments d’objet direct, SUD recourt à l’utilisation d’une relation unique : comp:obj, tandis que UD propose une classification plus fine avec les relations obj pour les objets nominaux, ccomp pour les objets propositionnels et xcomp pour les objet propositionnels sans sujet. SUD réduit ainsi les dix-sept relations de UD (nsubj, csubj, obj, iobj, obl, xcomp, ccomp, amod, nmod, nummod, advmod, acl, advcl, aux, cop, case, mark) à trois relations principales : subj pour le sujet, comp pour le complément, mod pour le modifieur. Ces relations peuvent ensuite être affinées avec des sous-relations spécifiques.
De plus, SUD introduit une relation générique, udep (underspecified dependency), qui peut englober à la fois mod et comp. Cette relation udep est utilisée pour rattacher les relations non spécifiées, c’est-à-dire lorsque les informations sont insuffisantes pour une classification précise. Cela peut arriver si les données proviennent de différents treebanks qui ne fournissent pas toutes les distinctions nécessaires, ou si la phrase elle-même est ambiguë, rendant une décision claire impossible (Gerdes et al., 2019a).
Le schéma hiérarchique dans la figure 2 compare l’ensemble des relations utilisées dans UD et SUD : le cadre vert contient les relations qui sont communes aux deux schémas, c’est-à-dire celles que SUD utilise avec la même signification et le même objectif que UD et le cadre orange liste les relations spécifiques à UD qui n’ont pas été retenues dans le schéma SUD. Les aspects sémantiques de certaines constructions sont d’ailleurs traités comme des sous-spécifications des relations syntaxiques de base, afin de préserver la distinction entre les critères syntaxiques et sémantiques. SUD ajoute également des traits syntaxiques profonds sur les dépendances (boîtes bleues-claires dans le cadre bleu) : les informations sémantiques reliant deux unités lexicales sont indépendantes de la syntaxe et peuvent être ajoutées facultativement aux relations, séparées par le caractère arobase @ (…@x, …@agent, …@lvc, …@pass, etc.).
Figure 2 : le schéma des relations syntaxiques employées dans SUD issu de Gerdes et al. (2019a)
Le schéma d’annotation UD propose un inventaire exhaustif de 17 catégories grammaticales (UPOS) et de 27 traits morphologiques, fournissant à la fois des informations lexicales (type d’adjectif, définitude) et morpho-syntaxiques (nombre, genre, temps, etc.). SUD se conforme aux normes de UD en adoptant les mêmes étiquettes de parties du discours et de traits morpho-syntaxiques universels. Par contre, SUD intègre un trait morphologique supplémentaire, Shared, afin de permettre une analyse plus fine des dépendants des conjonctions de coordination (cf. Gerdes et al., 2024).
UPOS |
||||
ADJ: |
adjective |
PART: |
particle |
|
ADP: |
adposition |
PRON: |
pronoun |
|
ADV: |
adverb |
PROPN: |
proper noun |
|
AUX: |
auxiliary |
PUNCT: |
punctuation |
|
CCONJ: |
coordinating conjunction |
SCONJ: |
subordinating conjunction |
|
DET: |
determiner |
SYM: |
symbol |
|
INTJ: |
interjection |
VERB: |
verb |
|
NOUN: |
noun |
X: |
other |
|
NUM: |
numeral |
|
|
|
Traits morphologiques |
||||
PronType |
Gender |
VerbForm |
||
NumType |
Animacy |
Mood |
||
Poss |
NounClass |
Tense |
||
Reflex |
Number |
Aspect |
||
Case |
Voice |
Abbr |
||
Definite |
Evident |
Typo |
||
Deixis |
Polarity |
Foreign |
||
DeixisRef |
Person |
ExtPos |
||
Degree |
Polite |
Clusivity |
||
Shared (SUD) |
|
|
||
Tableau 2 : UPOS et traits morphologiques employés dans UD et SUD
Cette liste de traits morpho-syntaxiques qui paraît restreinte offre, néanmoins, une grande flexibilité en proposant plus de 180 valeurs potentielles. Par exemple, le trait Gender a pour valeurs : Com (common gender), Fem (feminine gender), Masc (masculine gender) et Neut (neuter gender). Toutes ces valeurs ne sont cependant pas utilisées dans toutes les langues.
Le format d’encodage standard pour l’annotation des treebanks en UD et en SUD est le format CoNLL-U (.conllu) (https://universaldependencies.org/format.html). Ce format est une version révisée du CoNLL-X (Buchholz et Marsi, 2006). Dans ces fichiers tabulaires (figure 3), chaque token[v] d’une phrase est représenté sur une ligne distincte. Chaque ligne est divisée en dix colonnes, ce qui permet d’encoder diverses informations morphologiques et syntaxiques. Voici comment les informations sont réparties (voir aussi Kahane et Mazziotta, 2022) :
Les lignes vierges servent de séparateurs entre les phrases dans ces fichiers.
Figure 3 : extrait de l’encodage au format CoNLL de la phrase dans la figure 1
Il existe de nombreux outils permettant d’interroger les treebanks UD (PML TQ, TEITOK, INESS). Dans le cadre de cette étude, nous aurons recours à l’outil Grew-match[vi] (Guillaume, 2021). La particularité de cette plateforme réside dans sa capacité à traiter et à visualiser simultanément les graphes des treebanks UD et SUD, ce qui le rend idéal pour mener des recherches comparatives/contrastives, comme celles menées dans la présente étude. La figure 4 illustre comment les couches d’annotations sont visualisées dans le cadre de Grew-match :
Figure 4 : la visualisation des couches d’annotations dans via l’outil Grew-match
Le système de requête Grew-match offre d’ailleurs des fonctionnalités avancées pour interroger les treebanks. Il permet notamment de regrouper les résultats selon différents critères. Par exemple, on peut lancer une requête qui nous permet de savoir la position du sujet par rapport au verbe en fonction de la fonction syntaxique du verbe. Ainsi à partir du langage de requête de Grew suivant:
pattern { e: G −> V; V −[subj]−> S; S[upos=NOUN] }
on peut déterminer si un sujet S précède ou non un verbe V (whether_1) en fonction de la fonction syntaxique de ce dernier (e.label). Les données de l’arabe[vii] (figure 5) révèlent, par exemple, que lorsque le verbe est la tête d’une subordonnée relative (mod@relcl), on observe un ordre inversé sujet-verbe dans un seul cas contre 62 cas où l’ordre est standard. En sélectionnant le chiffre 1, l’utilisateur peut accéder à l’exemple correspondant.
Figure 5 : Requête Grew-match avec double clustering
SUD et UD se présentent comme des schémas isomorphes (Gerdes et al. 2019b), permettant une conversion aisée des annotations d’un format à l’autre avec un minimum de pertes. Comme l’explique Gerdes et al. (2019b), ces pertes minimales sont généralement dues à deux facteurs principaux : soit des analyses non conformes aux les guides UD ou SUD, soit la nature plus plate de la structure UD qui ne préserve pas toutes les relations hiérarchiques entre les dépendants. En effet, la conversion des treebanks UD vers SUD est très bénéfique. Elle permet d’approfondir l’analyse comparative des structures syntaxiques et de favoriser ainsi des études typologiques plus rigoureuses.
Dans sa version 2.15 publiée le 15 novembre 2024, le projet UD recense 296 treebanks couvrant 168 langues. Il est déjà prévu d’ajouter 98 nouveaux treebanks couvrant 82 langues. Ce travail immense est le fruit d’une collaboration ouverte avec plus de 600 contributeurs. Quant au SUD, il compte 300 treebanks dans sa version 2.15 mise à disposition en novembre 2024 (d’après le site officiel : https://surfacesyntacticud.github.io/data). Ces treebanks sont classés comme suit : 5 treebanks développés au format mSUD[viii] (appelés « Native mSUD »)[ix], 9 treebanks au format SUD (appelés « Native SUD ») et 281 corpus sont automatiquement convertis en SUD à partir des données UD correspondantes (version 2.15)[x].
Bien que le schéma UD soit conçu pour être applicable à un large éventail de langues (notamment pour les textes standard), SUD a été mis au point dans le but d’analyser des textes non standards, notamment de l’oral (Gerdes et al. 2019b). Au niveau TAL, des études mettent en regard l’apprenabilité[xi] des deux schémas UD et SUD. Tuora, Przepiórkowski et Leczkowski (2021) ont testé l’hypothèse selon laquelle des critères syntaxiques améliorent la performance des analyseurs de dépendance. En comparant cinq analyseurs syntaxiques sur 21 treebanks, les résultats révèlent que SUD présente généralement une meilleure apprenabilité que UD, en fonction de l’analyseur syntaxique et le corpus considérés. Le choix de critères syntaxiques pour l’identification des têtes dans les arbres de dépendance, dans le cas de SUD, permet d’améliorer la performance des analyseurs syntaxiques de dépendance.
Le tableau ci-dessus récapitule les différentes caractéristiques de la comparaison des deux schémas d’annotation UD et SUD.
Caractéristique |
UD |
SUD |
Principe |
Syntaxe profonde |
Syntaxe de surface |
Critères |
Sémantiques, fonctionnels |
Distributionnels, fonctionnels |
Relations |
37 relations |
17 relations |
POS |
14 UPOS |
14 UPOS |
Traits morpho-syntaxiques |
27 (+ de 180 valeurs) |
28 (+ de 180 valeurs) |
Format |
CoNLL-U |
CoNLL-U |
Conversion vers le format isomorphe |
Possible |
Possible |
Outils de requête |
Grew-match et autres |
Grew-match |
Treebanks |
296 (novembre 2024) |
300 (novembre 2024) |
Type de texte ciblé |
Textes standards |
Textes non standards/oraux |
Tableau 3 : récapitulatif de la comparaison des deux schémas d’annotation UD et SUD
Dans cette section, nous allons présenter les treebanks arabes et français qui seront étudiés dans le cadre de cette étude. Nous allons examiner en détail leurs origines ainsi que leurs caractéristiques spécifiques. Cette présentation des treebanks est fondamentale pour comprendre les données sur lesquelles notre recherche sera basée.
L’élaboration d’un corpus arboré pour l’arabe standard moderne n’est pas récente ; des initiatives existent depuis le début des années 2000. Parmi elles, le projet Penn Arabic Treebank (PATB) (Maamouri et al., 2004), développé dès 2001 dans le cadre du projet Linguistic Data Consortium (LDC) à l’université de Pennsylvanie, est reconnu comme le premier treebank destiné à l’analyse syntaxique de l’arabe standard. Le PATB contient des textes de type majoritairement journalistique qui ont été publiés progressivement en quatre parties majeures. Ces ressources sont étiquetées en parties du discours (POS), glosées en anglais et annotées en arbres syntagmatiques, suivant le modèle prédicat-argument du Penn Treebank (cf. Marcus et al., 1993). La figure 6, issue de Habash (2010, p.105-110), illustre l’arbre syntaxique du PATB pour la phrase donnée en (1) :
ẖamsūn alf sāʾiḥ zārū lubnān wa=sūriyā fī
cinquante mille touriste . visiter.pst.3pl Liban coord=Syrie prep
ʾaylūl al-māḍī
septembre def-dernier
‘Cinquante mille touristes ont visité le Liban et la Syrie en septembre dernier’
La partie supérieure de la figure montre l’arbre tel qu’il était représenté initialement, tandis que la partie inférieure illustre le format sous lequel il est actuellement présenté. Une description détaillée du PATB est disponible dans le guide d’annotation (cf. Maamouri et al., 2011).
|
Figure 6 : un exemple d’arbre du PATB issu de Habash (2010)
Si PATB est le premier treebank de l’arabe annoté en constituant, le premier treebank développé en dépendance pour l’arabe est celui du Prague Arabic Dependency Treebank (PADT) (Smrž et al., 2002 ; Hajiˇc et al., 2004 ; Smrž et al., 2008). Ce projet a été initié à l’Institut de Linguistique Formelle et Appliquée de l’Université Charles de Prague. Les données du PADT proviennent en partie du PATB, qui ont été converties automatiquement vers une représentation basée sur les dépendances. Pour ses normes d’annotation, elles sont issues de celles du Prague Dependency Treebank (PDT) (Hajiˇc et al., 2001), initialement conçu pour le tchèque, mais en les intégrant des modifications pour correspondre aux particularités de l’arabe. La figure 7, issue de Habash (2010, p.107), illustre la phrase en (1) représentée en PADT.
Figure 7 : un exemple d’arbre du PADT issu de Habash (2010)
Un autre treebank de dépendances pour l’arabe est le Columbia Arabic Treebank (CATiB) (Habash, Faraj et Roth, 2009). Ce corpus arboré s’inspire des principes de la grammaire traditionnelle arabe, ce qui permet une annotation plus aisée et rend cette ressource plus intuitive pour les arabophones (Habash, 2010, p. 108). Dans sa version initiale, le treebank CATiB emploie six étiquettes de parties du discours (POS) et huit relations syntaxiques. Il contient 273 000 tokens de textes journalistiques qui ont été annotés directement selon les normes CATiB, ainsi que l’ensemble des parties 1, 2 et 3 du PATB qui ont été automatiquement converties selon les normes CATiB (Taji, Habash, et Zeman, 2017, p. 167). La Figure 8, issue de Habash (2010, p.109-110), illustre l’arbre du CATiB (à gauche) de la phrase en (1) et son format actuel (à droite).
Figure 8 : un exemple d’arbre du CATiB issu de Habash (2010)
Depuis la création de ces premiers treebanks, plusieurs autres ont vu le jour, tels que le Quranic Arabic Corpus[xii] (Dukes et Buckwalter, 2010), développé à l’Université de Leeds et dédié à l’analyse du texte arabe coranique. Il fournit des annotations en morphologie et en syntaxe de dépendance, se rapprochant le plus des descriptions de la grammaire traditionnelle arabe (figure 9a) ; i3rab treebank (Halabi et al., 2021), qui adopte des structures de dépendances plus conformes à la théorie grammaticale traditionnelle arabe ; Arabic Poetry Treebank (ArPoT) (Al-Ghamdi et al., 2021) spécifiquement conçu pour l’analyse de la poésie arabe classique ; et plus récemment le Camel Treebank (CamelTB)[xiii] (Habash et al., 2022), qui comprend une riche diversité de textes arabes (poésie préislamique, romans, textes religieux et philosophiques, commentaires en ligne sur les réseaux sociaux, actualités, etc.). Ces textes ont été annotés automatiquement en morphologie et en syntaxe, puis corrigés manuellement. Les annotations suivent les normes de CATiB (figure 9b).
(a) |
(b) |
Figure 9 : un exemple de graphe de dépendance issue de Quranic Arabic Corpus et arbre de CamelTB
Avec l’élaboration du projet UD, dont l’objectif principal est de développer un système d’annotations uniformes, la voie a été ouverte pour l’élaboration des treebanks de diverses langues, tous construits sur le même schéma d’annotation. Cette uniformité facilite la comparaison de ces ressources entre elles et permet d’évaluer la pertinence et la cohérence des analyses syntaxiques adoptées. Dans ce contexte, un nombre de treebanks arabe ont été intégrés à UD.
Actuellement, la version UD 2.15 inclut trois treebanks de l’arabe standard moderne. Ces treebanks sont les suivants :
UD Arabic-PADT est le résultat de la conversion de Prague Arabic dependency treebank (PADT). Il fait partie de UD depuis sa version 1.2 et contient 7 664 phrases, 242056 tokens et 282 384 mots syntaxiques. Ses données proviennent de la collection HamleDT (HArmonized Multi-LanguagE Dependency Treebank), où 30 treebanks ont été harmonisées, d’abord selon les normes de Prague Dependencies, puis selon les normes de Stanford Dependencies (Rosa et al., 2014), avant d’être finalement converties en UD (Taji, Habash, et Zeman, 2017). Les lemmes dans Arabic-PADT sont vocalisés avec les signes diacritiques arabes, tandis que les phrases normales sont écrites sans ces signes de vocalisation.
UD Arabic-NYUAD est construite à partir du Penn Arabic Treebank (PATB), parties 1, 2 et 3, grâce à une conversion des arbres en constituants du PATB vers des représentations de dépendances conformes au format CATiB. Ce processus est suivi de l’application de transformations morphologiques et syntaxiques (Taji, Habash et Zeman, 2017). Le treebank Arabic-NYUAD fait partie de UD depuis sa version 2.0 et contient 19 738 phrases, 629 295 tokens et 738 889 mots syntaxiques. La tokenisation suit le modèle de PATB : il segmente tous les clitiques sauf l’article défini al- (‘le/la/les’) (ibid.). Sur le plan syntaxique, CATiB, la base de Arabic-NYUAD, vise à reproduire une structure plus fidèle à l’analyse grammaticale arabe traditionnelle, en se concentrant sur la modélisation de l’attribution des cas grammaticaux. Il en résulte que les mots fonctionnels sont fréquemment les têtes de leurs structures de phrases. Comme mentionné précédemment (cf. §2.1), UD tend vers une représentation plus proche de la sémantique. Des ajustements significatifs ont été donc appliqués via des transformations syntaxiques lors de la conversion pour aligner Arabic-NYUAD avec les principes de UD (cf. Taji, Habash et Zeman, 2017). Le treebank UD Arabic-NYUAD, soumis à une licence LDC restrictive, ne fournit ni le texte des phrases ni les lemmes en accès libre. N’ayant pas eu accès à ces données, cette ressource ne pourra être exploitée dans la présente étude.
UD Arabic-PUD fait partie du projet Parallel Universal Dependencies (PUD), qui a pour but de développer des treebanks parallèles pour plusieurs langues, permettant la comparaison interlinguistique[xiv]. PUD offre 1 000 phrases alignées dans diverses langues (Zeman et al., 2017). Ces phrases, issues de Wikipédia ou de textes journalistiques en cinq langues sources et traduites en 19 langues, ont été initialement annotées selon le schéma de McDonald et al. (2013) puis converties au schéma UD par la communauté UD. UD Arabic-PUD contient 1000 phrases et 20 747 tokens et il fait partie de UD depuis sa version 2.1[xv].
Treebanks arabes |
Sources |
Version |
Phrases |
Tokens |
Mots syntaxiques |
UD Arabic-PADT |
Converti |
v1.2 |
7 664 |
242 056 |
282 384 |
UD Arabic-NYUAD |
Converti |
v2.0 |
19 738 |
629 295 |
738 889 |
UD Arabic-PUD |
Converti |
v2.1 |
1 000 |
20 747 |
- |
Tableau 4 : statistiques des treebanks arabes dans UD v2.15
Dans sa version actuelle (novembre 2024), le projet SUD comprend les trois treebanks de l’arabe standard moderne convertis à partir des treebanks UD (SUD_Arabic-NYUAD@2.15, SUD_Arabic-PADT@2.15 et SUD_Arabic-PUD@2.15). Il est prévu d’enrichir les données SUD avec trois nouveaux treebanks pour des dialectes arabes. Ces treebanks seront élaborés directement selon les normes SUD (native SUD) pour le darija marocain (cf. Dominique Caubet), l’arabe tunisien (cf. Aya Gherab et al.) et l’arabe égyptien (cf. Mohamed Galal). Ce travail s’inscrit dans le cadre du projet ANR Autogramm[xvi] (Kahane, 2022), dont l’objectif est d’élaborer à la fois des corpus arborisés et des grammaires descriptives pour les langues moins documentées. Une fois annotés en SUD, ces treebanks dialectaux seront ensuite convertis au format UD et intégrés au projet UD.
Les treebanks français dans UD présentent une certaine diversité en termes de taille et de niveau de langue (écrits vs. parlé), en comparaison avec ceux de l’arabe. Actuellement, le projet UD (v2.15) met à disposition huit treebanks pour le français :
(S)UD French-GSD fait partie du projet UD depuis la version UD v1. Il tire son origine de la version 2.0 du Universal Dependency Treebank de Google, publiée en 2013 (cf. Guillaume et al., 2019) qui comprend des données provenant de diverses sources telles que la presse, la littérature, les textes officiels, les blogs et les pages Wikipédia. L’annotation initiale de ce corpus a été effectuée manuellement par deux groupes d’annotateurs différents dans le contexte d’un projet multilingue d’harmonisation (concernant l’anglais, l’allemand, le français, l’espagnol, le suédois et le coréen), ensuit, il a été converti au format UD en 2015. Depuis son intégration à UD, il est maintenu et enrichi séparément de sa version initiale du projet Google. Le corpus actuel contient 16 342 phrases, 389 362 tokens et 400 385 mots syntaxiques.
(S)UD French-Sequoia est le résultat d’une conversion automatique du treebank SUD French-Sequoia, lui-même issu de l’ancien corpus French Sequoia (Candito et Seddah, 2012) qui comporte des phrases et des textes provenant de quatre sources distinctes : l’Agence européenne des médicaments, Europarl, le journal régional l’Est Républicain et Wikipédia en français. Le corpus Sequoia a été initialement annoté en structure de constituants, selon le schéma de French Treebank (FTB) (Abeillé et Barrier, 2004), puis converti automatiquement en dépendances (Candito et Seddah, 2012). UD French-Sequoia est intégré au projet UD depuis sa version 2.0 et contient 3 099 phrases, 685 93 tokens et 70 545 mots syntaxiques.
UD French-ParTUT est le résultat d’une conversion au format UD d’un corpus arboré parallèle multilingue (italien, français et anglais), PARTUT (Sanguinetti et Bosco, 2015). Ce dernier a été développé à l’Université de Turin et rassemble différents types de textes, notamment des discours, des documents légaux et des articles encyclopédiques de Wikipédia. Le corpus est disponible depuis la version UD 2.0 et contient 1 020 phrases, 27 638 tokens et 28 576 mots syntaxiques.
UD French-PUD est disponible depuis la version UD 2.1. Pareillement comme UD Arabic-PUD, le corpus a été intégré au projet Parallel Universal Dependencies (PUD). L’annotation du français dans ce corpus se distingue parfois des autres corpus français en restant plus proche de l’anglais ; par exemple, les possessifs y sont traités comme des pronoms, avec la relation nmod:poss au lieu de déterminants avec la relation det comme dans les autres corpus français (cf. Guillaume, de Marneffe et Perrier, 2019). Ce corpus contient 1 000 phrases, 24 131 tokens et 24 726 mots syntaxiques.
(S)UD French-Rhapsodie (Gerdes et Kahane, 2017), nommé UD French-Spoken jusqu’à la version 2.8, résulte de la conversion automatique (avec des corrections manuelles) du treebank du projet Rhapsodie (Lacheret et al. 2014). La particularité de Rhapsodie est qu’il contient des annotations à la fois en prosodie et en syntaxe de transcriptions de données de langue orale. Le modèle d’annotation Rhapsodie s’inspire de la syntaxe de dépendance (Tesnière 1959 ; Mel’čuk 1988 ; Kahane, 2001) et des études sur la syntaxe de l’oral (Blanche-Benveniste 1990, 2010 ; Deulofeu 2003). Il est disponible dans UD depuis la version 2.2 et comprend 3 209 phrases, 43 699 tokens et 44 242 mots syntaxiques.
(S)UD French-FQB, (French Question Bank) a été intégré au projet UD depuis sa version 2.4. Il a été constitué à partir d’une conversion d’un corpus entièrement constitué de questions, la French QuestionBank v1 (Seddah et Candito, 2016), issues de diverses sources (traductions d’ensembles de test, des questions fréquemment posées de sites web officiels, des questions tirées des forums de cuisine, etc.). Ce corpus est basé sur le schéma d’annotation du French Treebank (FTB) (Abeillé et al., 2003) en adoptant modification pour tenir compte des caractéristiques spécifiques des syntagmes interrogatifs. Le corpus converti en UD comprend 22 89 phrases, 2 3347 tokens et 23 899 mots syntaxiques.
(S)UD French-ParisStories est un corpus de français parlé (Kahane et al., 2021). Il contient des monologues et des dialogues de locuteurs vivant en région parisienne. Le corpus a été rassemblé et transcrit par des étudiants en linguistique de l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, puis révisé par des étudiants du Master pluriTAL (Inalco, Paris Nanterre, Sorbonne Nouvelle) entre 2017 et 2021. Les données ont été initialement annotées en morpho-syntaxique selon le schéma SUD, puis ont été automatiquement converties au format UD grâce au logiciel Grew. Le corpus fait partie de UD depuis la publication de la version UD v2.9 et contient 2 776 phrases, 42 257 tokens et 42 789 mots syntaxiques.
(S)UD French-ALTS (Automated Sixteenth-century corpus) est un treebank dédié au français juridique du XVIe siècle (Ziane et Romanova 2024). Il contient actuellement un unique texte, à savoir des procès-verbaux extraits du registre Crime I du Greffe de Guernesey. Ce document a été transcrit directement depuis le manuscrit original et annoté manuellement en POS, lemmes et fonctions syntaxiques, dans le cadre du projet franco-allemand MICLE (2021-2024)[xvii]. Le texte présente des traits et des formes dialectaux normands. Ce corpus arboré est intégré au projet UD depuis sa version 2.16 et contient 1 269 phrases, 43 088 tokens et 43 832 mots syntaxiques [xviii].
Treebanks arabes |
Sources |
Version |
Phrases |
Tokens |
Mots syntaxiques |
UD French-GSD |
SUD-Natif |
v1 |
16 342 |
389 362 |
400 385 |
UD French-Sequoia |
SUD-Natif |
v2.0 |
3 099 |
68 593 |
70 545 |
UD French-ParTUT |
Converti |
v2.0 |
1 020 |
27 638 |
28 576 |
UD French-PUD |
Converti |
v2.1 |
1 000 |
24 131 |
24 726 |
UD French-Rhapsodie |
SUD-Natif |
v.2.2 |
3 209 |
43 699 |
44 242 |
UD French-FQB |
SUD-Natif |
v2.4 |
2 289 |
23 347 |
23 899 |
UD French-ParisStories |
SUD-Natif |
v2.9 |
2 776 |
42 257 |
42 789 |
UD French-ALTS |
Converti |
v2.16 |
1 269 |
43 088 |
43 832 |
Tableau 5 : statistiques des treebanks français dans UD v2.15
Ces treebanks français mentionnés, comme l’ensemble des treebanks UD, sont également disponibles au format SUD via une conversion, selon la dernière mise à jour en novembre 2024.
Dans cette section, nous allons nous pencher sur l’annotation syntaxique des constructions complexes en arabe et en français. Trois constructions seront examinées : les constructions relatives, les constructions à verbe support et les constructions copulatives et avec un auxiliaire.
Avant d’aborder les choix d’annotation des constructions relatives faits par UD et SUD, il convient, d’abord, de souligner quelques aspects comparatifs de ces constructions entre l’arabe et le français. Bien que ces constructions partagent la fonction essentielle, celle de modifieurs adnominaux, leurs structures et leurs fonctionnements divergent nettement (cf. Lafhej, 2007 ; Youssef, 2012).
al-wald allḏī yabtasim laṭīf
def-garçon.m.sg rel.m.sg sourir.prs.m.3sg gentil.m.sg
‘Le garçon qui sourit est gentil’
b.البنت التي تبتسم لطيفة
al-bint allatī tabtasim laṭīfah
def-fille.f.sg rel.f.sg sourir.prs.f.3sg gentil.f.sg
‘La fille qui sourit est gentille’
al-walad allḏī qarʾatu=hu kāna mubtasiman
def-garçon rel voir.pst.1sg=pro être.pst.3sg souriant
‘Le garçon que j’ai vu était souriant’
iii) L’arabe possède une structure relative particulière sans la réalisation explicite du pronom relatif, surtout avec des antécédents indéfinis, la relation étant alors souvent marquée par un pronom de reprise. En français, l’introduction d’une proposition relative par un pronom relatif est quasi systématique :
ʾušāhidu film-a-n raʾaytu =hu min qabl
regarder.pres.1sg film.sg-acc-indef voir.pst.1sg=pro prep avant
‘Je regarde un film que j’ai déjà vu’
ʾafhamu ǧayyidan mā taqūlu=hu
comprendre.prs.1sg bien rel dire.prs.2sg=pro
‘Je comprends bien ce que tu dis’
ʾafhamu ǧayyidan mā taqūlu
comprendre.prs.1sg bien rel dire.prs.2sg
‘Je comprends bien ce que tu dis’
qarʾatu allḏī kataba=hu
lire.pst.1sg rel écrir.pst.3sg=pro
‘J’ai lu ce qu’il a écrit’
De nombreux linguistes (voir pour le français Tesnière, 1959 ; Kahane 2002, pour l’anglais Sag, 1997) ont souligné que les pronoms relatifs fonctionnent également comme des subordonnants. Comme le montrent, Kahane et Gerdes (2020, p. 76), l’exemple de la relative qui dort dans la fille qui dort est une amie illustre le fait que qui ne se comporte pas comme un simple dépendant du verbe dort. En effet, on ne peut pas remplacer qui dort par Marie dort sans rendre la phrase agrammaticale, ce qui montre que qui modifie la distribution de la construction verbale.
Une solution envisagée pour rendre compte de ce phénomène est d’attribuer deux positions syntaxiques aux pronoms relatifs : une fonction translative, qui en fait la tête de la proposition relative, et une fonction pronominale, qui leur assure une place à l’intérieur de cette proposition. L’analyse en double position syntaxique est exemplifiée par la représentation SUD du segment de la phrase anglaise She picked up the pans in which she’d made the potatoes and maple glaze (figure 10), issue de Gerdes et al. (2024, p. 618). La position translative est désignée par REL.
Figure 10 : analyse en double position de la construction relative en anglais, issue de Gerdes et al. (2024)
Cependant de nombreux treebanks (voir par exemple le projet Orféo[xx], Debaisieux, Benzitoun et Deulofeu, 2016) optent pour ne pas considérer les pronoms relatifs dans leur rôle de subordonnant et les traiter comme de simples pronoms afin de simplifier la structure syntaxique et de la maintenir sous forme d’arbre de dépendance. UD et SUD suivent également la même approche.
Dans le cadre de UD et de SUD[xxi], les relatives reçoivent un traitement uniforme soit en arabe, soit en français (figures 11 et 12), adoptant une fonction pronominale pour les pronoms relatifs qui leur confère une place au sein de la proposition relative, à l’instar de tout pronom ordinaire. La sous-relation UD acl:relcl (adnominal clause : relative clause)[xxii] rattache la tête de la proposition relative à son antécédent et le pronom relatif dépend du verbe de la proposition relative, souvent en tant que sujet nsubj ou objet obj.
‘[…] dépasse nettement la moyenne des pays qui adoptent la monnaie unique’[xxiii]
Figure 11 : UD_Arabic-PUD@2.15[xxiv]
Figure 12 : UD_French-PUD@2.15
Certains treebanks UD, y compris Arabic-PADT, sont également fournis avec une strate d’annotation additionnelle (Enhanced Dependencies[xxv]) qui va au-delà de la structure de dépendances de base. Leur objectif est de clarifier les liens syntaxiques et sémantiques qui sont sous-entendus ou non spécifiés dans l’annotation UD de base. Dans les annotations enrichies de UD Arabic-PADT (en bleu) (figure 13), le pronom relatif[xxvi] se rattache à son antécédent avec la relation spéciale ref, utilisée exclusivement dans les annotations enrichies. L’antécédent, quant à lui, est annoté comme dépendant du prédicat principal de la proposition relative[xxvii], en lui attribuant la fonction syntaxique qu’il aurait eue dans sa position initiale. La sous-relation acl:relcl est toujours entre le prédicat de la relative et son antécédent.
‘Il ne possède pas de tels documents qui ont disparu du ministère’
Figure 13 : UD_Arabic-PADT@2.15
En l’absence d’un pronom relatif explicite en arabe, la relation acl:relcl rattache toujours l’antécédent au verbe principal de la proposition relative, sans qu’aucune relation ne rattache ce verbe à un pronom (figure 14 vs 15 ).
‘Ce sont généralement des artistes {qui} veulent faire un tas de trucs’
Figure 14 : UD_Arabic-PUD@2.15
Figure 15 : UD_French-PUD@2.15
Le fait que la deuxième proposition modifie le nom, mais n’est pas une proposition relative introduite par un pronom relatif prototypique, UD Arabic-PADT choisit d’étiqueter le prédicat de la deuxième proposition avec la relation plus générale acl (figure 16).
‘Ils ont également détruit un pont qui permettait le passage de l’aide
Figure 16 : UD_Arabic-PADT@2.15
Les treebanks UD arabes choisissent d’annoter les pronoms relatifs sans antécédent mā, man, allḏī, allḏīna etc. comme la tête de la subordonnée relative (figures 17, 18 et 19). Notons que ces éléments ont été catégorisés comme DET dans UD Arabic-PADT et gouvernent le prédicat de la subordonnée par la relation acl.
‘C’est ce qui nous incite à revenir pour davantage […]’
Figure 17 : UD_Arabic-PUD@2.15
‘Il manque de personnes ayant les compétences nécessaires’
Litt. Il fait face à une pénurie de {ceux} qui possèdent les compétences nécessaires.
Figure 18 : UD_Arabic-PUD@2.15
‘selon ce qu’il a dit dans une interview de presse […]’
Figure 19 : UD_Arabic-PADT@2.15
Comme le soulignent Gerdes et al. (2024) concernant les constructions anglaises introduites par un mot wh-word, l’analyse qui considère les pronoms relatifs intégratifs comme la tête de la subordonnée relative semble problématique. Ceci est d’autant plus vrai pour les pronoms relatifs prototypiques arabes tels que allḏī, allatī, etc., et ce, pour plusieurs raisons : i) cette analyse s’éloigne de l’approche pronominale qui est habituellement retenue pour les propositions relatives standard, ii) elle rend la fonction pronominale de ces éléments intégratifs difficilement perceptible, voire complètement masquée, et iii) l’extension :relcl ne correspond plus à la relation entre la proposition relative et son gouverneur (car les pronoms relatifs font partie de la proposition relative) ni à la fonction translative.
L’analyse proposée sera donc de retenir l’analyse pronominale pour ces constructions. En comparant l’analyse actuelle de SUD (figure 20), obtenue par conversion depuis la représentation UD, avec l’analyse proposée (figure 21), on constate que le verbe principal devient la tête de la proposition relative dans l’analyse proposée, gouvernant le pronom allḏīna via la relation subj. De plus, la fonction pronominale de ces éléments est constamment signalée par l’ajout du trait @relcl sur la relation liant la proposition relative à son gouverneur. Ce trait additionnel @relcl, qui accompagne les relations, ne se limite donc pas à indiquer les cas où la proposition relative modifie directement un nom (son antécédent), comme c’est le cas avec les propositions relatives classiques. L’un des avantages de cette analyse, comme le montrent Gerdes et al. 2024, réside dans sa facilité de conversion vers une analyse considérant ces éléments comme des subordonnants, L’inverse, en revanche, n’est pas possible.
‘Il manque de personnes ayant les compétences nécessaires’
Figure 20 : SUD_Arabic-PUD@2.15
‘Il manque de personnes ayant les compétences nécessaires’
Figure 21 : l’analyse proposée dans SUD
Les constructions à verbe support sont des combinaisons de deux constituants : un verbe, souvent sémantiquement pauvre, et un nom prédicatif (ou éventuellement un adjectif, un verbe ou un syntagme prépositionnel) (6a, b). Ces deux constituants forment une unité prédicative complexe. Différentes langues semblent partager le phénomène des verbes supports (voir Ahnaiba, 2006 ; Ibrahim, 2008 ; Madkhali, 2024 pour l’arabe ; Gross, 1998 ; Mel’čuk, 2004 ; Danlos, 2010 pour le français) :
ʾittaẖaḏa qarār-a-n mufāǧiʾ
prendre.pst.3sg decision-acc-indf soudaine
‘Il a pris une décision soudaine’
qāma bi=taǧhīz al-qāʿah
effectuer.pst.3sg prep=préparation def-sall
‘Il a préparé la salle’
Comme nous l’avons mentionné plus haut (§2.1), les relations de dépendance dans UD s’établissent principalement entre les mots lexicaux, alors que les mots fonctionnels sont perçus comme des porteurs de traits morphosyntaxiques, qui se rattachent normalement à un mot lexical. Le choix de la tête syntaxique devient notamment complexe dans le cas des verbe supports qui représentent un cas d’expressions polylexicales (cf. Stephen et Zeman, 2024 ; voir aussi Kahane, Courtin et Gerdes, 2018 pour le traitement des expressions polylexicales dans le cadre de UD) où deux ou plusieurs mots se combinent en une seule unité lexicale.
Les treebanks UD, soit en arabe, soit en français, adoptent une approche particulière dans leur analyse des constructions à verbe support, s’écartant ainsi des principes de base du schéma UD qui favorise une analyse sémantique des mots fonctionnels. Ils traitent le verbe comme la tête du nom prédicatif qu’il gouverne par la relation obj[xxviii]. Cette approche ne correspond pas, par exemple, à l’analyse standard de la copule (voir infra), qui est considérée comme dépendante du prédicat nominal ou adjectival. La figure 22 illustre l’analyse actuelle de la construction à verbe support en arabe, alors que la figure 23 présente une analyse plus cohérente avec les principes UD (inspirée de Gerdes et Kahane, 2016).
‘[…] qui a pris la décision de geler la déclaration de l’État palestinien’
Figure 22 : UD_Arabic-PADT@2.15
‘[…] qui a pris la décision de geler la déclaration de l’État palestinien’
Figure 23 : l’analyse cohérente avec les principes UD
Un autre point d’incohérence avec les principes se manifeste dans certains treebanks français[xxix]. Dans UD French-GSD, les compléments de la construction à verbe support sont rattachés au verbe plutôt qu’au nom prédicatif (fait→obl:arg→problèmes) (figure 24). Les principes stipulent que les compléments devraient être liés au nom prédicatif, qui est le porteur du sens (face→obl:arg→problèmes). Sur le plan syntaxique, rattacher le complément de cette construction au nom est privilégié (cf. l’analyse adoptée par UD French-PUD, figure 25), car celui-ci peut former une unité significative avec son complément. On peut reprendre le nom prédicatif et son complément de l’exemple (Face à de sérieux problèmes) dans une nouvelle phrase (Face à de sérieux problèmes environnementaux, des mesures urgentes doivent être prises), ce qui suggère une forte cohésion syntaxique entre le nom et son complément. Le nom en tant que prédicat contrôle la valence, le verbe sert davantage à introduire ou à grammaticaliser ce nom.
Figure 24 : UD_French-GSD@2.15
Figure 25 : UD_French-PUD@2.15
Toutefois, dans certains cas, le rattachement des compléments au verbe plutôt qu’au nom est privilégié. Ceci est notamment le cas lorsque la combinaison du nom et de son complément ne constitue pas une unité sémantique cohérente (cf. le guide d’annotation de SUD[xxx]). Prenons l’exemple du français les enfants doivent prendre garde aux voitures en traversant la rue. On ne dirait pas naturellement *garde aux voitures en traversant la rue, […]. Dans ce contexte, le verbe prendre est considéré comme la tête du complément aux voitures.
Si l’ambiguïté persiste quant à la détermination de la tête, la pronominalisation peut servir de test pertinent. Bien que ce test puisse être difficile à appliquer dans un exemple du type la carte donne accès à plusieurs centres (il est peu naturel de dire la carte le donne à plusieurs centres en remplaçant accès), il s’avère efficace pour d’autres constructions. Par exemple, pour on a fait une promenade dans la ville de Liège, la pronominalisation fonctionne bien : cette promenade, on l’a faite dans la ville de Liège. Dans ce dernier cas, la pronominalisation de une promenade en l’ indique clairement que promenade est la tête du syntagme et peut être séparée du verbe support fait.
Dans le cadre de SUD, les constructions à verbe support sont marquées avec le trait syntaxique profond @lvc (figure 26).
Figure 26 : SUD_French-ParisStories@2.15
Les structures copulatives et les constructions verbales complexes incluant des auxiliaires soulèvent de nombreuses questions linguistiques dans diverses langues, y compris l’arabe et le français. Ces structures constituent d’ailleurs un point de désaccord fondamental entre les schémas UD et SUD. Avant d’aller plus loin, il est nécessaire de présenter les aspects suivants concernant les copules et les auxiliaires en arabe.
Le verbe kāna, dont l’équivalent français est le verbe être, occupe une place fondamentale dans la langue arabe. Il assume deux fonctions principales : celle de copule et celle de verbe auxiliaire. Lorsqu’il fonctionne comme un verbe copule, il régit un sujet, appelé ʾism kāna (‘le nom de kāna’), qui se met au cas nominatif et un prédicat, appelé ẖabar kāna (‘l’attribut de kāna’), qui se met au cas accusatif (7a). Quand il est employé comme auxiliaire, le verbe, sémantiquement vide, constitue avec un autre verbe une forme verbale composée, indiquant principalement un aspect temporel (cf. El Kassas, 2005 ; Pinon, 2013) (7b).
kāna ar-raǧul-u bašūš-a-n
être.pst.3sg def-homme-nom souriant-acc-indf
‘L’homme était souriant’
kāna ar-rǧl-u qad ġādara
être.pst.3sg def-homme-nom déjà partir.pst.3sg
‘L’homme était déjà parti’
L’une des spécificités de l’arabe par rapport au français est le fait qu’au présent de l’indicatif, la copule kāna n’est généralement pas réalisée. Dans ce cas, il s’agit d’une construction prédicative qui comprend un mubtadaʾ (‘sujet de la proposition à N-initial’) et un le ẖabar (‘un attribut’), les deux se mettent au cas nominatif (8a). Pour nier un état au présent, l’arabe recourt au verbe laysa (‘ne pas être’) qui reste souvent invariable et gouverne un nom à l’accusatif (8b).
ar-raǧul-u bašūš-u-n
def-homme-nom souriant-nom-indf
‘L’homme {est} souriant’
ar-raǧul-u laysa bašūš-a-n
def-homme-nom ne_pas_être souriant-acc-indf
‘L’homme n’est pas souriant’
D’autres verbes arabes agissent comme des copules, connus dans la grammaire traditionnelle arabe sous l’appellation ʾaẖawāt kāna (‘les sœurs de kāna’), comme ʾaṣbaḥa, ʾaḍḥā, ʾamsā, bāta, ẓalla, etc. (‘devenir’, ‘rester’). Ils introduisent donc dans une proposition nominale avec un ʾism au nominatif et un ẖabar au cas accusatif (9a). L’arabe possède également un groupe de verbes auxiliaires aspectuels, communément appelés dans la grammaire arabe classique ʾafʿāl al-mqārabah wal-šurūʿ (‘les verbes d’imminence et de commencement’) qui signalent soit le rapprochement de la réalisation d’un événement, soit son commencement, comme kāda, ʾawšaka, etc. (‘être sur le point de’) et šaraʿa, badaʾa, etc. (‘commencer à’, ‘se mettre à’) (9b). Ces verbes se comportent de manière similaire au verbe kāna. Ils gouvernent un ʾism au nominatif et un ẖabar propositionnel au cas accusatif dont la tête est un verbe au présent de l’indicatif. Ce dernier régit un pronom sujet coréférant avec le ʾism.
ẓalla ar-raǧul-u ṣāmtit-a-n
rester.pst.3sg def-homme-nom silencieux-acc-indef
‘L’homme est resté silencieux’
badaʾa al-walad-u yalʿab {huwa}
commencer.pst.3sg def-garçon-nom jouer.prs.3sg {il}
‘Le garçon a commencé à jouer’
Dans le cadre des projets UD et SUD, seulement kāna et laysa en arabe et être en français sont considérés comme copules. Ceci s’inscrit dans l’approche du projet qui limite la relation cop (copula) seulement aux copules pures n’ajoutant que des marques de temps, d’aspect ou de modalité au prédicat. Cela implique que la majorité des langues possède au plus un seul verbe copule. Tous les autres verbes que la grammaire arabe traditionnelle qualifie de copules sont donc analysés comme des verbes lexicaux ordinaires.
Les treebanks UD pour l’arabe présentent une annotation standardisée concernant kāna/laysa en tant que copules. Dans UD Arabic-PADT (figure 27) et Arabic-PUD (figure 28), les deux copules prennent la catégorie grammaticale AUX, conformément au guide UD. L’approche du schéma UD consiste à traiter le prédicat nominal/adjectival comme la tête de la construction copulative, qui gouverne la copule via la relation cop. Cette approche trouve sa légitimité, comme l’explique le guide d’annotation UD, dans le constat que de nombreuses langues, à l’instar du russe (et de l’arabe, comme on vient de le voir), omettent souvent, voire toujours, une copule explicite dans de telles constructions.
‘[…] cependant, l’affluence pour l’achat était grande’
Figure 27 : UD_Arabic-PADT@2.15
‘Il était extrêmement gentil et a accepté la situation’
Figure 28 : UD_Arabic-PUD@2.15
Cette analyse est également retenue dans le cadre du projet UD lorsque le prédicat est un syntagme prépositionnel. Dans ce cas, le noyau nominal est identifié comme la tête de la proposition (figure 29).
‘[…] sa grand-mère était de la ville de Vladivostok’
Figure 29 : UD_Arabic-PUD@2.15
La même analyse concernant la copule être est également adoptée dans tous les treebanks UD français (figure 30).
Figure 30 : UD_French-ParTUT@2.15
Les treebanks arabes présentent, cependant, des incohérences dans le traitement de kāna en tant qu’auxiliaire temporel (kāna + Vinaccompli), reflétant des choix d’annotation différents entre UD Arabic-PADT et UD Arabic-PUD. Ainsi, UD Arabic-PADT (figure 31) opte pour une analyse de kāna comme verbe lexical[xxxi] (étiqueté par la catégorie grammaticale VERB). Il régit un prédicat verbal via la relation xcomp, tout comme les verbes d’imminence comme kāda (‘être sur le point de’) ou de commencement comme šaraʿa (‘se mettre à’). Le principal inconvénient de cette analyse est que l’utilisation de la relation xcomp occulte la fonction aspectuelle/temporelle de kāna, qui est pourtant fondamentale. De plus, cette analyse ne s’aligne pas sur le traitement standard des auxiliaires aspectuels/temporels dans les autres langues, comme le démontrent les auxiliaires avoir et être en français (Voir infra). Par contre, UD Arabic-PUD (figure 32) adopte une analyse uniforme de kāna. Il est systématiquement catégorisé comme AUX et dépend du verbe principal via la relation aux (auxiliary), qui est consacrée aux mots fonctionnels associés à un prédicat verbal et exprimant des catégories telles que le temps, le mode, l’aspect, la voix ou l’évidentialité.
‘Il avait l’habitude de dormir habituellement dans une petite rue […]’
Figure 31 : UD_Arabic-PADT@2.15
‘Il négligeait complètement sa santé’
Figure 32 : UD_Arabic-PUD@2.15
Notons que, d’après le guide de UD, la relation aux n’est pas toujours restreinte aux verbes. Des marqueurs TAME (Temps-Aspect-Mode-Évidentialité) peuvent aussi se rattacher par la relation aux. Bien que UD Arabic-PUD réserve exclusivement la relation aux à l’auxiliaire kāna, UD Arabic-PADT attribue cette relation à des marqueurs tels que qad (‘déjà’) et sawfa, ainsi qu’au préverbe sa- exprimant le futur (figures 33 et 34).
‘Et nous avons mis fin à l’efficacité d’un groupe de voleurs […]’
Figure 33 : UD_Arabic-PADT@2.15
‘Nous nous rencontrerons à notre retour de la ville de Bassorah’
Figure 34 : UD_Arabic-PADT@2.15
Dans les treebanks UD du français, seuls trois verbes sont considérés comme auxiliaires, en plus de la copule être : les auxiliaires temporels avoir et être, l’auxiliaire passif être et l’auxiliaire causatif faire. La justification principale de cette sélection restrictive est basée sur le fait que ces trois verbes partagent exclusivement la propriété syntaxique définitoire des auxiliaires, celle de la montée des clitiques (cf. Gerdes et al., 2024). Cela signifie que le pronom clitique peut se déplacer et se rattacher à un verbe qui n’est pas celui dont il dépend syntaxiquement (10a vs, b).
Ces auxiliaires sont donc rattachés au verbe principal par la relation aux, avec parfois une extension précisant leur fonction : aux:tense, aux:pass, aux:caus (figure 35).
Figure 35 : UD_French-GSD@2.15
Le projet SUD rejette l’analyse UD qui considère que le prédicat non verbal d’une construction copulative ou le verbe principal d’une construction avec auxiliaire comme la tête syntaxique, pour adopter une analyse alternative fondée sur des critères purement distributionnels. SUD propose d’identifier la copule et l’auxiliaire comme têtes syntaxiques, et ce pour les quatre raisons suivantes (cf. Gerdes et al., 2024) :
iii) les auxiliaires et les copules imposent des contraintes distributionnelles sur les autres éléments, par exemple en fixant la position des clitiques, comme mentionné précédemment : Un message lui a été envoyé.
Dans les figures 36 et 37, l’analyse SUD optera pour les auxiliaires est/fait comme têtes syntaxiques. Les verbes qui portent le sens lexical vendu/rire seront alors leurs dépendants. Pour identifier ces dépendants, la relation comp:aux sera employée. Cette relation correspond à la relation aux telle que définie par UD. De plus, la relation comp:aux pourra être enrichie par trois traits de la syntaxe profonde : @tense (pour le temps), @pass (pour le passif) et @caus (pour le causatif).
Figure 36 : SUD_French-GSD@2.15
Figure 37 : SUD_French-Rhapsodie@2.15
Contrairement à UD qui vise une analyse uniforme des constructions prédicatives, qu’elles contiennent ou non une copule (le sujet étant toujours dépendant du prédicat), SUD établit une distinction entre ces deux types de constructions en arabe. Selon SUD, le sujet dépend de la copule lorsque celle-ci est présente (figure 38), tandis qu’en son absence, il dépend directement du prédicat (figure 39).
‘Il a également dit que Klein était secret et peu coopératif’
Figure 38 : SUD_Arabic-PUD@2.15
‘Ils sont habituellement des artistes qui désirent faire plusieurs choses’
Figure 39 : SUD_Arabic-PUD@2.15
En adoptant une analyse distinguant systématiquement les constructions avec et sans copule, SUD respecte les critères syntaxiques distributionnels. En présence de la copule, SUD se conforme à la grammaire arabe traditionnelle, qui voit la copule kāna comme un verbe bivalent régissant son sujet et son attribut. Lorsque la copule est absente, c’est le nom prédicatif qui est la tête syntaxique (voir Gerdes et al. 2024 concernant le cas des constructions prédicatives sans copule en russe).
En effet, dans la phrase :
ʾaẖ=ī ṭabīb-u ʾasnān-i-n
frère=poss médecin-nom dent.pl-gen-indef
‘Mon frère {est} dentiste’
on peut substituer le sujet ʾaẖī (‘mon frère’) par un autre nom comme ʾabī (‘mon père’) sans altérer la structure de la phrase. Néanmoins, si l’on tente de commuter ʾaḵī par un adjectif superlatif, comme ʾamharu (‘le plus compétent’), cela donne lieu à un groupe nominal ʾamharu ṭabību ʾasnānin (‘le dentiste le plus compétent’) dont la fonction et la distribution diffèrent de la phrase initiale ʾaẖī ṭabību ʾasnānin (‘mon frère {est} dentiste’).
Selon le critère distributionnel sans effacement (Gerdes et al. 2024, p. 598) :
Si U = AB, A peut commuter avec un A’ et U et U’ = A’B n’ont pas la même distribution, alors A est la tête de U.
on pourrait suggérer que ʾaẖī (‘mon frère’) est la tête de la construction. Toutefois, cette conclusion est rejetée, car le sujet ʾaẖī (‘mon frère’) ne commute pas avec l’adjectif superlatif ʾamharu (‘le plus compétent’), étant donné que la commutation requiert que les éléments substituables soient mutuellement exclusifs. Or, l’adjectif superlatif ʾamharu (‘le plus compétent’) peut coexister dans la même phrase ʾaẖī ʾamharu ṭabībi ʾasnānin (‘mon frère {est} le dentiste le plus compétent’), où ʾamharu modifie le prédicat ṭabībi ʾasnānin (‘dentiste’). Si ʾaẖī était réellement la tête de la phrase, la structure n’autoriserait pas sa coexistence avec un élément (l’adjectif superlatif) qui pourrait le remplacer s’il était la tête. Cette cooccurrence viole le principe fondamental d’exclusion mutuelle qui est essentiel pour identifier la tête d’une construction syntaxique. En d’autres termes, l’absence d’exclusion entre ʾaẖī et ʾamharu invalide l’hypothèse que ʾaẖī est la tête.
Dans le cadre de cette recherche, nous avons examiné l’annotation syntaxique de certaines constructions complexes dans une approche contrastive arabe-français. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur les corpus arborés (treebanks) en dépendances, annotés selon les schémas d’annotation Universal Dependencies (UD) et Surface Syntactic Universal Dependencies (SUD). Le premier privilégie les mots lexicaux comme têtes des relations de dépendance et le second favorise les têtes fonctionnelles. L’objectif était de comprendre les choix faits par ces deux schémas pour modéliser des phénomènes linguistiques complexes et d’évaluer leur pertinence pour capturer les spécificités linguistiques propres à chaque langue.
Après avoir exposé en détail les caractéristiques des deux schémas d’annotation UD et SUD, ainsi que les treebanks arabes et français accessibles via ces deux projets, nous avons procédé à l’étude de trois constructions complexes : les constructions relatives, les constructions à verbe support et les constructions copulatives et avec un auxiliaire. Les résultats de notre étude révèlent que, bien que les annotations syntaxiques de ces constructions montrent une uniformité dans les cas standards, elles affichent des différences marquées dans des situations plus idiosyncrasiques. Ces divergences ne se limitent pas uniquement aux comparaisons entre les treebanks de l’arabe et du français, mais apparaissent également au sein des treebanks d’une même langue. Ces différences intra-langues peuvent naturellement être expliquées par le fait que les cadres à travers lesquels ces données ont été initialement annotées sont différents, tout comme les équipes d’annotateurs qui ont réalisé ces travaux. Ces incohérences ont pour conséquence de rendre difficile la comparabilité entre les différents treebanks, ce qui éloigne le projet de son objectif général, à savoir la typologie des langues. De plus, il devient complexe d’agréger les données, de les interroger uniformément ou d’y appliquer des traitements automatiques standardisés.
Ce constat met en évidence une double nécessité pour l’amélioration des annotations syntaxiques: il est devenu essentiel d’harmoniser les treebanks arabes déjà existants. Cela implique un travail de standardisation et de correction pour assurer une plus grande cohérence entre les différents corpus. Cette démarche d’harmonisation n’est pas sans précédent ; l’équipe française a déjà réalisé des efforts notables en ce sens sur les deux treebanks du français : UD French-GSD et UD French-Sequoia (cf. Guillaume et al., 2019). Cependant, malgré les progrès déjà réalisés en français, il reste un travail considérable à accomplir pour améliorer les données en vue des prochaines versions du projet.
Au-delà de l’harmonisation des données existantes, ce travail doit nécessairement être complété par un enrichissement du guide d’annotation UD pour l’arabe standard[xxxii] qui présente des limitations par rapport à la version française[xxxiii]. En effet, le guide général d’annotation UD ne prend pas suffisamment en compte certaines constructions syntaxiques spécifiques, ni les particularités uniques de chaque langue. C’est pourquoi il est nécessaire que les guides d’annotation spécifiques à chaque langue comblent ces lacunes. Ces documents dédiés doivent inclure les phénomènes et les spécificités de la langue que le guide général ne couvre pas suffisamment.
En comparant les deux schémas d’annotation, SUD présente une capacité à offrir des solutions plus claires et robustes pour des constructions où les principes de UD deviennent complexes. D’ailleurs, pour l’arabe, SUD semble offrir une approche plus intuitive pour l’annotation syntaxique. SUD se focalise sur la syntaxe de surface et l’utilisation de critères distributionnels, c’est-à-dire que la tête d’une unité syntaxique est l’élément qui contrôle son comportement et sa distribution dans la phrase. Pour l’arabe, cela est particulièrement avantageux, car des mots fonctionnels, comme les prépositions ou les particules, peuvent jouer un rôle central dans la structure syntaxique. Cette approche, comme celle adoptée par le Columbia Arabic Treebank (CATiB) (Habash, Faraj et Roth, 2009)[xxxiv], est souvent plus conforme aux descriptions grammaticales traditionnelles de l’arabe, et, par conséquent, plus intuitive pour les annotateurs arabophones. Toutefois, malgré ces avantages théoriques, il est important de tester concrètement le schéma SUD sur un corpus natif de l’arabe, c’est-à-dire élaboré directement selon les normes SUD. Cette application pratique sur des données réelles est essentielle pour en évaluer pleinement la pertinence.
[i] Treebank est un terme technique de l’anglais couramment employé dans le domaine de la linguistique informatique et du TAL pour désigner à un ensemble des phrases extraites de textes authentiques et accompagnées d’une analyse syntaxique détaillée, souvent représentée sous la forme d’un arbre de dépendances ou de constituants (Kahane et Mazziotta, 2022, p. 64).
[ii] Certains treebanks du projet UD ne mettent pas à disposition le texte des phrases ni les lemmes en raison de restrictions de licence.
[iii] La tête d’une unité syntaxique U se définit comme « toute sous-unité de U qui n’est gouvernée par aucune autre sous-unité de U » (Kahane et Gerdes, 2022, p. 303, les concepts de tête et de dépendance sont expliqués en profondeur dans le chapitre 10).
[iv] Les caractéristiques des treebank arabes et français et la représentation des données sous forme de graphes via l’outil Grew-match serons présentés plus loin.
[v] Le token représente l’unité minimale de découpage d’un texte, servant de base au traitement linguistique. Il correspond à la plus petite entité reconnue comme élément autonome dans l’analyse (voir la page UD concernant la tokenisation et la segmentation des mots : https://universaldependencies.org/u/overview/tokenization.html).
[vi] Disponible à l’adresse : https://match.grew.fr/.
[vii] https://universal.grew.fr/?corpus=SUD_Arabic-PUD@2.16.
[viii] mSUD (et mUD) sont de nouveaux formats d’annotation conçus pour être compatibles avec le schéma UD et qui ont pour but de prendre des unités infra-mot comme tokens dans les corpus arborés (cf. Guillaume et al., 2024).
[ix] Les cinq treebanks sont également disponibles au format SUD.
[x] Certains treebanks UD n’ont pas été convertis au format SUD en raison de leurs licences interdisant la création d’œuvres dérivées.
[xi] L’apprenabilité signifie que les annotations sont plus facilement reproductibles par un analyseur syntaxique automatique.
[xii] https://corpus.quran.com/.
[xiii] https://sites.google.com/nyu.edu/camel-treebank/home.
[xiv] https://github.com/UniversalDependencies/UD_Arabic-PUD.
[xv] En plus de ces trois treebanks de l’arabe standard moderne, UD contient un certain nombre de treebanks pour un certain nombre de dialectes arabes, comme l’arabe levantin méridional (UD South Levantine Arabic MADAR, Zahra, 2020 ; Bouamor et al., 2018) et l’arabe maghrébin-français (UD Maghrebi Arabic French Arabizi, Arij, Menel et Djamé, 2023). UD contient également des treebanks pour des langues anciennes parlées dans la région arabe, comme l’akkadien (UD Akkadian RIAO ; UD Akkadian PISANDUB, Luukko et al. 2020), l’égyptien pré-copte (UD Egyptian-UJaen, Hernández et Passarotti, 2024) et le copte sahidique (UD Coptic Scriptorium, Zeldes et Abrams, 2018).
[xvi] https://autogramm.github.io/.
[xvii] https://anr.fr/fr/projets-finances-et-impact/projets-finances/projet/funded/project/anr-20-fral-0001/
[xviii] Le français bénéficie, d’ailleurs, de treebanks diachroniques au sein du projet PROFITEROLE. Le UD Middle_French-PROFITEROLE (cf. Prévost et al., 2024) cible le moyen français (XIVe - XVe siècles), tandis que le UD Old_French-PROFITEROLE (cf. Romanova, Ziane, Daoudi) est dédié à l’ancien français. Il est, d’ailleurs, à noter que le treebank UD French-FTB, issu de la conversion au format UD du French Treebank (Abeillé et al., 2003), a été retiré de la dernière version UD.
[xix] La marque du cas (nominatif, accusatif, génitif) sur les pronoms relatifs est visible uniquement pour le duel.
[xx] https://orfeo.grew.fr/?corpus=cefc-gold.
[xxi] Rappelons que faute d’accès au texte des phrases et des lemmes du treebank UD Arabic-NYUAD, nous n’avons pas pu exploiter cette ressource pour cette étude.
[xxii] mod@relcl (modifier relative clause) dans SUD.
[xxiii] Pour mieux cibler l’analyse du phénomène linguistique en question, des segments de la phrase ont été volontaires omis, ce qui a conduit à la suppression de certaines relations syntaxiques présentes dans la structure initiale.
[xxiv] Étant donné que la plupart des phrases dans le treebank Arabic-PUD ne sont pas glosées, nous avons procédé à l’ajout manuel des gloses en dessous des traits morphosyntaxiques (Gloss=). Afin de garantir leur uniformité avec l’ensemble des autres treebanks UD, nous les avons insérées en anglais.
[xxv] https://universaldependencies.org/u/overview/enhanced-syntax.html#ellipsis
[xxvi] Les pronoms relatifs prennent la catégorie DET avec le trait PronType=Rel.
[xxvii] Compte tenu du fait que ce n’est pas toujours le cas qu’il s’agisse du verbe.
[xxviii] Ou obj:lvc dans certains treebank français (UD French-GSD ; UD French-Sequoia ; UD French-Rhapsodie ; UD French-ParisStories). D’autres treebanks, notamment des langues asiatiques, ont employé la relation compound ou la sous-relation Compound:lvc pour marquer les constructions à verbes supports.
[xxix] Dans les treebanks arabes UD Arabic-PADT et UD Arabic-PUD, le complément est toujours rattaché au nom prédicatif.
[xxx] https://surfacesyntacticud.github.io/guidelines/u/particular_phenomena/lvc/.
[xxxi] Dans des contextes relativement peu fréquents, kāna conserve aussi un sens lexical plein, exprimant principalement l’existence (= exister, avoir lieu) (El Kassas, 2005, pp. 174-175) :
(i) كان هناك حريق في المدينة
kāna hunāka ḥarīq fī al-madīnah
être dem incendie prep def-ville
‘Il y avait un incendie dans la ville’
[xxxii] https://universaldependencies.org/ar/.
[xxxiii] http://universaldependencies.org/fr.
[xxxiv] Je tiens à remercier Nizar Habash pour avoir attiré mon attention sur le rapprochement entre les schémas SUD et CATiB.
Remerciements
Je remercie Sylvain Kahane pour ses nombreuses remarques sur la précédente version de cet article, ainsi que les deux relecteurs de la revue pour leurs corrections.
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